Cartes postales anciennes de Rennes
ou
chronique annoncée des fêtes républicaines
organisées par l'union des radicaux socialistes
en réponse à celles de l'épiscopat rennais.
Jean Janvier, tout nouveau Maire de Rennes élu de la liste d'union des Radicaux et Socialistes, invite officiellement son ami Georges Clémenceau, Président du Conseil, à l'occasion des fêtes internationales de la Musique ainsi qu'au Concours Général Agricole, les 7 et 8 juin 1908. Joseph Ruau, Ministre de l'Agriculture, et Etienne Dujardin-Beaumetz, Secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, accompagnent le chef du Gouvernement. Ces évènements sont du moins le prétexte officiel car Janvier veut également faire oublier les grandes fêtes religieuses organisées quelques mois plus tôt (mars 1908) par le cardinal Dubourg, archevêque de Rennes, avec le concours de l'ancienne municipalité du Sénateur Maire libéral Eugène Pinault, cela malgré les toutes nouvelles lois de séparation des Eglises et de l'Etat de 1905.
Afin de divulguer l'évènement, la couverture en a été confiée aux Studios Vassellier, photographe à Nantes. Grâce à ses phototypes imprimés sur cartes postales ainsi qu'au récit détaillé du quotidien l'Ouest-Eclair, nous allons pouvoir suivre le voyage de Georges Clémenceau à travers la ville de Rennes tout au long de ces deux jours de l'année 1908.
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Le train ministériel arrive en gare de Rennes le 7 juin à 18h12, accueilli par le Maire et ses adjoints (sauf les élus socialistes qui ont refusé, suite à la mort de 2 ouvriers tués par la police pendant les manifestations du 2 juin). La Musique de l'Ecole d'Artillerie joue la Marseillaise. En habit de cérémonie, gants blancs et chapeau haut de forme, Clémenceau et ses ministres, sous quelques sifflets, viennent saluer le Maire Janvier, le Sénateur Pinault (ancien Maire), le Préfet Sagebien et le Général Chomer, commandant la 10ème Région militaire.
A la sortie de la gare, ils montent dans des calèches de type landau et prennent la direction de l'Hôtel de Ville, escortés par un important détachement du 24ème régiment de Dragons à cheval, sous les ordres du colonel Fleuret. Tout au long du parcours, le cortège est salué par une double haie de militaires du 41ème de ligne, au garde-à-vous, suivant l'avenue de la gare et passant devant le lycée où s'est déroulé le second procès Dreyfus en 1899 (Clémenceau en montre la façade du doigt en passant devant), puis empruntant les quais jusqu'à la place de la Mairie.
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la gare de Rennes
Clémenceau monte dans un landau à quatre places
à la gare, la musique militaire du 41ème joue la Marseillaise
place de la gare, on attend les ministres
l'escorte militaire, dragons à cheval, sabre au clair
les ministres et le préfet
ils passent devant le lycée où se déroula le second procès Dreyfus en 1899
l'Hôtel de Ville
arrivée à l'Hôtel de ville
sortie de l'Hôtel de Ville - traditionnelles photos sur les marches
acclamations de la foule
encore quelques photos
les landaus attendent les personnalités
avez-vous remarqué le photographe officiel ? studios Vassellier Nantes
petit problème technique devant l'Opéra, chacun met la main à la pâte (à la roue ?)
De nombreuses musiques se sont groupées pour exécuter une Marseillaise longuement applaudie, puis le cortège repart en direction de la Préfecture où un dîner attend les hôtes de la ville après que Clémenceau s'est offert un petit tour dans le nouveau jardin des plantes de MM Buhler et Martenot, le Thabor. Au kiosque, la fanfare de la Garde Républicaine spécialement venue de Paris pour l'occasion, l'y attend pour exécuter quelques morceaux de musique sous la direction de Gabriel Parès.
concert, cour de l'Hôtel de Ville
le jardin des plantes du Thabor
au Thabor, concert de musique par la Garde Républicaine, dirigée par Gabriel Parès
au Thabor, autre vue
à la préfecture, repas de 36 convives et accueil des officiels pour la nuit
Ainsi s'achève la première journée. Le lendemain matin 8 juin, un emploi du temps chargé attend les ministres : visite de l'école d'Agriculture, des hospices de Pontchaillou, du palais de Justice, puis arrêt au Champ de Mars où se trouvent l'exposition et les concours agricoles. Enfin, à midi, un banquet place des Lices, sous les halles de M. Martenot, avec remise de décorations, achèvera ce déplacement.
l'Ecole Nationale d'Agriculture
visite de l'Ecole d'Agriculture
les ministres en médaillon
les Hospices de Pontchaillou - travaux commencés en 1896, projet de Julien Ballé
inauguration des Hospices de Pontchaillou
le Palais de Justice (Parlement de Bretagne) en 1908
visite du Palais de Justice, nouvellement restauré par Jean-Marie Laloy
Puis c'est la visite de l'exposition agricole du Champ de Mars. Au programme, les concours animaux mais aussi les produits de l'agriculture. Quelques commentaires sur les animaux, un arrêt assez long des ministres devant le pavillon de la nouvelle école de laiterie de Coëtlogon (école pilote destinée aux femmes, avec enseignement technique bien sûr, mais aussi formation ménagère et morale comme le souhaite la République). Chacun goûte au célèbre "beurre de la Prévalaye" (connu à la cour royale dès le 18ème siècle puis vanté par les guides touristiques au 19ème).
le concours national d'agriculture
l'arrivée des ministres au Champ de Mars
plusieurs fanfares saluent le passage de G. Clémenceau
la visite de l'exposition
école de laiterie de Coëtlogon
le célèbre beurre de la Prévalaye
concours animaux, M. Lebourgeois (éleveur dans la Manche) est le grand gagnant
taureau Lebourgeois
bélier Lebourgeois
Le cortège ministériel quitte le salon agricole afin de prendre la direction des Lices. Sur l'esplanade, encore deux nouveaux concerts de musique, le premier par l'harmonie municipale, l'autre par la Garde Républicaine, quelques discours officiels (il y en aura huit) puis une remise de médailles précèdent un grand banquet républicain de 2500 couverts qui est servi sous la halle d'acier et de verre construite il y a quelques années par M. Jean-Baptiste Martenot.
Le Président du Conseil et ses ministres, ainsi que leurs différents accompagnateurs reprennent le train de Paris à 15h25.
Pendant ce temps, à travers les rues de la ville et sur les différentes places, de nombreuses musiques jouent et défilent jusque tard le soir. Quatre-vingt fanfares, orphéons, musiques d'harmonie, cors, trompes et trompettes ont été recensées ce jour. Jean Janvier peut se frotter les mains, il a réussi son pari, ces deux journées sont une réussite, c'est d'ailleurs ce que titrera le journal l'Ouest-Eclair du lendemain.
(Le maire de Rennes renouvellera d'ailleurs le procédé, accueillant en 1909 Gaston Doumergue, ministre de l'Instruction publique, en 1910 René Viviani, ministre du travail, et en 1914 Raymond Poincarré, président de la République.)
Suivons les fanfares à travers les rues :
MM Clémenceau et Ruau sont nos hôtes
Rennes, le Concours National Agricole
Ci-dessous, quelques cartes souvenir éditées à l'occasion de l'évènement nous montrent les principaux acteurs de cette pièce.
Les protagonistes :
G. Clémenceau, président du Conseil - Ruau, ministre de l'Agriculture - Dujardin-Beaumetz, secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts
G. Parès, chef de la musique de la Garde - J. Janvier maire de Rennes - Gal. Chomer commandant la 10ème région militaire
Sagebien préfet - cardinal Dubourg, archevêque de Rennes - Pinault, ancien maire de Rennes, sénateur.
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A cette date du 8 juin 1908, les journaux titraient également :
- élection du premier ministre du Québec, Lomer Gouin
- l'Anglais Verdon-Roé vole avec son biplan sur une distance de 45 m
- mort du compositeur russe Nikolaï Rimski-Korsakov
A noter aussi, la loi peu connue du 13 avril 1908 qui confère aux communes la propriété des bâtiments d'église ainsi que leur entretien.
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Philippe Saint-Marc
passeur de mémoire
conservation
du patrimoine rennais
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